http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150208.asp#P506612
Avant l’article 30 bis
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 517.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a pour objet de supprimer l’ordre des infirmiers. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’adhésion à l’ordre des infirmiers est obligatoire, quel que soit le mode d’exercice, libéral ou salarié, les salariés représentant 80 % de la profession. Elle constitue une condition préalable à la licéité de l’exercice professionnel depuis la loi du 21 décembre 2006 portant création de l’ordre des infirmiers.
Mme Annie Le Houerou. Je ne m’attarderai pas sur les graves difficultés qu’a connues l’ordre dans les premières années de son existence. Huit ans après sa création, il ne recueille toujours pas l’assentiment des infirmiers et des infirmières et il est très contesté. Sur 600 000 infirmiers, 161 087 sont inscrits à l’ordre et 30 000 ont participé à l’élection de leurs représentants à l’ordre. Ces chiffres montrent le défaut de représentativité de la profession par l’ordre.
Sont mis en cause par les infirmiers et les infirmières qui ne s’y reconnaissent pas : une mauvaise gestion de l’ordre, qui a fait l’objet d’un plan de redressement ; un défaut de représentativité et de transparence ; un constat d’échec dans ses missions ou, à tout le moins, de grosses insuffisances. L’ordre crée des tensions au sein de la profession, qui a besoin de se rassembler.
M. Gilles Lurton. C’est une caricature !
Aussi, cet amendement a pour objet d’apaiser les conflits. Les missions dévolues à l’ordre peuvent être confiées à d’autres organismes comme l’Agence régionale de santé, la Haute autorité de santé ou le Haut conseil des professions paramédicales, composé de représentants de la profession, sur des questions touchant notamment aux pratiques professionnelles, aux compétences indispensables à l’exercice de la profession, aux bonnes pratiques des soins infirmiers, ou encore à la promotion de la profession.
Concernant le recensement, le suivi démographique et la régulation de la profession, l’inscription obligatoire n’est pas un gage de fiabilité des statistiques, puisque seuls 30 % des infirmiers sont inscrits à l’ordre. Chaque année, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – élabore un rapport statistique sur la démographie et la situation des professionnels de santé à partir du fichier ADELI et du répertoire partagé des professionnels de santé. J’ai cité trois fichiers : il serait opportun de n’en avoir qu’un seul, qui soit fiable.
Dans la perspective qui est la nôtre de placer le patient et son parcours de soins au cœur du dispositif d’accompagnement, il paraîtrait plus pertinent de confier la mission de réflexion sur l’évolution de la profession d’infirmier au Haut conseil des professions paramédicales, qui pourrait évoluer et considérer le patient dans sa globalité. Cela renforcerait aussi le rôle majeur des infirmiers dans le système de santé.
De nombreux infirmiers et infirmières voient dans l’ordre un signe de reconnaissance de leur profession, quand ils y adhèrent. De fait, les infirmiers et les infirmières font un métier essentiel dans la prise en charge du patient, souvent difficile, qui justifie la plus grande reconnaissance.
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
Mme Annie Le Houerou. Je tiens à les saluer pour leur travail. Certes, le métier est reconnu à travers ce projet de loi de modernisation de notre système de santé, madame la ministre. Mais la reconnaissance doit aussi être recherchée dans la valorisation des formations, des diplômes de spécialisation et des possibilités d’évolution à partir des nouvelles compétences ainsi reconnues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit évidemment d’un sujet sensible, qui a été bien résumé par Mme Le Houerou. Il est vrai que l’ordre a connu, notamment dans les premières années de son existence, de nombreux dysfonctionnements. Par ailleurs, il est clair que le besoin d’adhérer à l’ordre est moins ressenti chez les infirmiers salariés, qui représentent 80 % de la profession. Pour régler ces problèmes, diverses solutions ont été proposées, mais celles qui consisteraient à cliver la profession ne semblent pas opportunes. La commission, sur cette question sensible, avait émis un avis défavorable, mais, à titre personnel, j’émets un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sujet est vieux comme la création des ordres, car il faut bien reconnaître que l’ordre infirmier a connu, comme les autres ordres, mais d’une manière plus aiguë, des débuts difficiles. Et cela à cause de vous, messieurs de l’opposition !
L’ordre a connu un problème de gouvernance dès sa création. Or c’est vous qui avez fait le choix, alors que la loi Kouchner avait créé un Haut conseil des professions paramédicales, de priver ce Haut conseil de ses responsabilités déontologiques pour les confier à des ordres, que vous avez créés. Il aurait été pourtant plus logique de poursuivre le travail de montée en puissance de ce Haut conseil et de lui confier des missions déontologiques.
La gouvernance initiale a été considérée unanimement, je crois, comme préoccupante et problématique. Or une équipe nouvelle est aujourd’hui en place, dont tout le monde reconnaît qu’elle travaille mieux, et qu’elle contribue à apaiser les choses. Cela ne signifie pas pour autant que l’ordre soit accepté par les infirmiers : le taux de participation aux élections le montre. Et la contestation est particulièrement forte chez les infirmières salariées. Pour autant, peut-on se passer d’un cadre de régulation déontologique et institutionnel ? Je ne le crois pas, car nous avons besoin de structures qui permettent de réguler et d’accompagner la profession.
Je tiens à saluer Mme Annie Le Houerou pour le travail tout à fait remarquable qu’elle a accompli pendant les mois, et mêmes les années qui se sont écoulées. Elle a reçu tout le monde, discuté, dialogué et fait des propositions.
Ce cadre constitutionnel, nous en avons besoin. Et nous en avons d’autant plus besoin que nous nous engageons dans le virage ambulatoire.
Des efforts sont à réaliser du côté des ordres – je tiens à le dire clairement. Le Gouvernement souhaite que les ordres soient très attentifs au montant des cotisations qui sont demandées, et qui ont parfois tendance à augmenter de manière trop importante. Le Gouvernement souhaiterait également que l’on se dirige vers une mutualisation des efforts et du travail effectué au sein des ordres paramédicaux. Des évolutions sont nécessaires, on le voit, mais peut-on se passer d’un cadre institutionnel, avant que ces évolutions aient été réalisées ? Le Gouvernement ne le pense pas, et c’est la raison pour laquelle, tout en entendant vos préoccupations, il donne un avis défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.
M. Élie Aboud. Nous avons eu peur, à un certain moment, et je vous remercie, madame la ministre, car votre réponse nous satisfait.
À l’heure, ma chère collègue, où il importe de maintenir les patients à domicile et de créer des passerelles entre l’hospitalisation publique, l’hospitalisation privée et la médecine de ville, nous avons besoin de développer l’hospitalisation à domicile, et il faut pour cela un cadre institutionnel. Même si le cadre existant présente des dysfonctionnements, il faut un cadre institutionnel, afin que cette profession soit reconnue. Il faut sans doute que les acteurs concernés se mettent autour d’une table, mais on ne peut pas, au détour d’un amendement, décider de faire une croix sur l’ordre et le faire disparaître. C’est envoyer un mauvais signal à la profession.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Il est vrai que l’ordre des infirmiers a connu des difficultés…
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est peu de le dire !
M. Jean-Pierre Door. Des rapports ont été publiés sur ce sujet, de nombreux débats et de nombreuses auditions ont eu lieu ici, à l’Assemblée nationale. Mme la ministre a rappelé que des efforts sont faits par la nouvelle gouvernance et que les esprits semblent se calmer. Tant mieux. Il faut effectivement que cette profession, comme toutes les professions où l’on est au contact des malades, possède un cadre institutionnel et déontologique. Il faut qu’il y ait une barrière, qui permette de protéger à la fois le patient et le professionnel de santé.
M. Jean-Pierre Door. Je voudrais simplement dire un mot à Mme Le Houerou. Je sais le travail d’audition fou qu’elle a fait, mais si l’on en arrive à supprimer un ordre, la jurisprudence sera telle que le château de cartes va s’effondrer et tous les ordres vont disparaître. La suppression des ordres est une vieille lune socialiste du temps des cent dix propositions du programme Mitterrand, mais cela ne s’est pas fait à l’époque. Vous êtes à nouveau en majorité, mais vous ne le faites pas non plus, et Mme la ministre a dit qu’elle tenait à conserver la situation de cet ordre en espérant qu’il continue de s’améliorer, comme tous les autres ordres. Nous ne suivons donc pas la démarche de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. J’ai entendu les arguments de la ministre et je les comprends. En même temps, je voudrais rappeler que je siégeais déjà dans cette assemblée lorsque l’ordre des infirmiers a été mis en place par la droite. À l’époque, je m’y étais opposé car je pensais que c’était une mauvaise idée. C’est une idée qui divise, vous l’avez dit, elle divisait à l’époque et elle divise encore aujourd’hui. Ce qui divise, encore aujourd’hui, c’est bien la décision de création de l’ordre. Je considère donc que l’amendement présenté par notre collègue est légitime. Je crois que tout a montré que ça ne fonctionne pas, il y a un très faible pourcentage de participation aux élections, et c’est une institution qui divise.
Mme Jacqueline Fraysse. Il existe des structures qui permettent de gérer la profession, cela a été rappelé par Mme la ministre, je pense que l’on peut trouver d’autres solutions. Par conséquent, je suis plutôt favorable à cet amendement. Je crois que c’est une proposition courageuse, et je la soutiens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. Il y aurait beaucoup à dire sur les ordres en général, institutions nées dans une période trouble dont le fonctionnement laisse parfois à désirer. Mais j’en resterai à la question de l’ordre des infirmiers, puisque c’est celui qui nous a été présenté.
M. Jean-Louis Roumegas. Je voudrai dire à nos collègues de l’opposition qu’apparemment, lorsqu’ils ont créé cet ordre, ils n’ont pas du beaucoup consulter, alors même que c’est le reproche qu’ils adressent à l’amendement de Mme Le Houerou. S’ils avaient consulté à l’époque, ils se seraient rendu compte qu’une immense majorité des infirmiers n’en voulaient pas.
Mme Jacqueline Fraysse. Ils le savaient !
M. Jean-Louis Roumegas. C’est d’ailleurs ce que les faits ont prouvé, puisque seule une infime minorité a adhéré à cet ordre. On laisse donc une grande majorité des infirmiers dans une situation d’illégalité. Ce n’est pas tenable, on le voit bien au nombre de messages et de pétitions que l’on reçoit sur cette question depuis le début de notre mandat.
M. Jean-Louis Roumegas. Je pense donc qu’il faut trancher. Je ne crois pas à la théorie du château de cartes, elle serait vraie si la majorité des infirmiers était représentée dans l’ordre des infirmiers, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je félicite donc notre collègue pour cet amendement, et le groupe écologiste le soutiendra.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Jean-Pierre Door et la ministre ont bien dit les choses, nul ne conteste les conditions difficiles dans lesquelles cet ordre des infirmiers a été mis en place, cela a été répété sur tous ces bancs.
M. Philippe Vigier. Mais la théorie du château de cartes n’est pas qu’une vision de l’esprit, d’ailleurs, sur les bancs du groupe socialiste, François Mitterrand avait imaginé dans ses cent une propositions la suppression de tous les ordres. Comme cela a très bien été dit par Jean-Pierre Door, pourquoi n’y aurait-il pas demain contestation d’autres ordres qui existent dans le milieu médical ou les professions juridiques ? Je regarde Denys Robiliard en disant cela, cette mesure risque de faire tache d’huile.
M. Philippe Vigier. Une des raisons pour lesquelles il y avait eu beaucoup de crispations lors de la création de l’ordre infirmier, était qu’il fallait payer une cotisation pour les infirmières, dont 80 % sont en milieu hospitalier.
M. Philippe Vigier. Mais ce qui me semble essentiel, c’est que l’ordre intervient dans la relation entre le patient et les professionnels de santé. L’ordre est là pour cela, et je ne voudrai pas que l’on laisse entre les mains des tribunaux civils la responsabilité de juger d’une situation ressentie par le patient comme un dysfonctionnement de la part d’un professionnel de santé, sans même qu’une instance ordinale intermédiaire ait la possibilité de juger si les bonnes pratiques médicales ont été suivies. D’autant plus que le rôle très important donné aux infirmiers dans le maillage du territoire va grandissant avec le développement de l’hospitalisation à domicile.
M. Philippe Vigier. Enfin, il a été avancé parmi les arguments que les élections ordinales réunissaient seulement un peu plus de 20 % des votants, Mme la ministre l’a dit tout à l’heure. Dans ce cas, supprimons également les prud’hommes, car il n’y a que 20 % de votants. Si l’on va dans cette voie, que doit-on penser de la représentativité des syndicats dont certains représentent moins de 20 % des votants ? S’ils ne représentent personne, autant les supprimer ! Nous ferions passer un mauvais signal, alors que notre pays a besoin des corps intermédiaires, notamment de représentation professionnelle, et les ordres en font partie.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Contrairement à ce que disent MM. Vigier et Door, qui ont évoqué le président Mitterrand, nous n’abordons pas ce sujet le moins du monde d’un point de vue idéologique. Simplement, nous posons une question pratique : est-ce que cet ordre répond aux attentes que l’on est en droit d’avoir de ce type de structures ?
M. Élie Aboud. On peut l’améliorer !
Mme Michèle Delaunay. Sa représentation est-elle forte ? Entraîne-t-il une adhésion importante de la part de la majorité des infirmiers, ou au contraire introduit-il une différence – presque une séparation – entre d’un côté des infirmiers salariés et de l’autre des infirmiers libéraux ?
Mme Michèle Delaunay. Je dois vous dire que je reçois bien souvent du personnel soignant ou des équipes médicales, et malgré les efforts qui ont été faits au sein même de cet ordre, la vision que j’ai régulièrement reçue de cet ordre est tout à fait contraire. Il ne valorise pas la magnifique profession des infirmiers, il ne règle pas les problèmes internes ni même les problèmes relatifs aux patients et à la déontologie. Donc, personnellement, de manière pragmatique et concrète, je voterai en faveur de l’amendement de notre collègue Le Houerou.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rapidement, je voudrai rappeler à M. Vigier la différence entre un ordre et un syndicat : l’adhésion à un syndicat est facultative, tandis qu’elle est obligatoire pour un ordre. Donc son raisonnement tombe de lui-même, il n’est pas recevable.
M. Philippe Vigier. Je parlais du taux de représentativité !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Me concernant, je voterai pour l’amendement de Mme Le Houerou.
M. le président. Sur l’amendement no 517, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
………………………………………………………………………………….
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 517
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l’adoption 19
contre 10
(L’amendement no 517 est adopté et l’amendement no 518 tombe.)
M. Élie Aboud. Vous allez voir dans la rue, vous allez passer un long week-end !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 519 et 520, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour les soutenir.
Mme Annie Le Houerou. Ils sont tous deux retirés, monsieur le président.
(Les amendements nos 519 et 520 sont retirés.)
Avant l’article 30 bis
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 517.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement a pour objet de supprimer l’ordre des infirmiers. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’adhésion à l’ordre des infirmiers est obligatoire, quel que soit le mode d’exercice, libéral ou salarié, les salariés représentant 80 % de la profession. Elle constitue une condition préalable à la licéité de l’exercice professionnel depuis la loi du 21 décembre 2006 portant création de l’ordre des infirmiers.
Mme Annie Le Houerou. Je ne m’attarderai pas sur les graves difficultés qu’a connues l’ordre dans les premières années de son existence. Huit ans après sa création, il ne recueille toujours pas l’assentiment des infirmiers et des infirmières et il est très contesté. Sur 600 000 infirmiers, 161 087 sont inscrits à l’ordre et 30 000 ont participé à l’élection de leurs représentants à l’ordre. Ces chiffres montrent le défaut de représentativité de la profession par l’ordre.
Sont mis en cause par les infirmiers et les infirmières qui ne s’y reconnaissent pas : une mauvaise gestion de l’ordre, qui a fait l’objet d’un plan de redressement ; un défaut de représentativité et de transparence ; un constat d’échec dans ses missions ou, à tout le moins, de grosses insuffisances. L’ordre crée des tensions au sein de la profession, qui a besoin de se rassembler.
M. Gilles Lurton. C’est une caricature !
Aussi, cet amendement a pour objet d’apaiser les conflits. Les missions dévolues à l’ordre peuvent être confiées à d’autres organismes comme l’Agence régionale de santé, la Haute autorité de santé ou le Haut conseil des professions paramédicales, composé de représentants de la profession, sur des questions touchant notamment aux pratiques professionnelles, aux compétences indispensables à l’exercice de la profession, aux bonnes pratiques des soins infirmiers, ou encore à la promotion de la profession.
Concernant le recensement, le suivi démographique et la régulation de la profession, l’inscription obligatoire n’est pas un gage de fiabilité des statistiques, puisque seuls 30 % des infirmiers sont inscrits à l’ordre. Chaque année, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – élabore un rapport statistique sur la démographie et la situation des professionnels de santé à partir du fichier ADELI et du répertoire partagé des professionnels de santé. J’ai cité trois fichiers : il serait opportun de n’en avoir qu’un seul, qui soit fiable.
Dans la perspective qui est la nôtre de placer le patient et son parcours de soins au cœur du dispositif d’accompagnement, il paraîtrait plus pertinent de confier la mission de réflexion sur l’évolution de la profession d’infirmier au Haut conseil des professions paramédicales, qui pourrait évoluer et considérer le patient dans sa globalité. Cela renforcerait aussi le rôle majeur des infirmiers dans le système de santé.
De nombreux infirmiers et infirmières voient dans l’ordre un signe de reconnaissance de leur profession, quand ils y adhèrent. De fait, les infirmiers et les infirmières font un métier essentiel dans la prise en charge du patient, souvent difficile, qui justifie la plus grande reconnaissance.
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
Mme Annie Le Houerou. Je tiens à les saluer pour leur travail. Certes, le métier est reconnu à travers ce projet de loi de modernisation de notre système de santé, madame la ministre. Mais la reconnaissance doit aussi être recherchée dans la valorisation des formations, des diplômes de spécialisation et des possibilités d’évolution à partir des nouvelles compétences ainsi reconnues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Il s’agit évidemment d’un sujet sensible, qui a été bien résumé par Mme Le Houerou. Il est vrai que l’ordre a connu, notamment dans les premières années de son existence, de nombreux dysfonctionnements. Par ailleurs, il est clair que le besoin d’adhérer à l’ordre est moins ressenti chez les infirmiers salariés, qui représentent 80 % de la profession. Pour régler ces problèmes, diverses solutions ont été proposées, mais celles qui consisteraient à cliver la profession ne semblent pas opportunes. La commission, sur cette question sensible, avait émis un avis défavorable, mais, à titre personnel, j’émets un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sujet est vieux comme la création des ordres, car il faut bien reconnaître que l’ordre infirmier a connu, comme les autres ordres, mais d’une manière plus aiguë, des débuts difficiles. Et cela à cause de vous, messieurs de l’opposition !
L’ordre a connu un problème de gouvernance dès sa création. Or c’est vous qui avez fait le choix, alors que la loi Kouchner avait créé un Haut conseil des professions paramédicales, de priver ce Haut conseil de ses responsabilités déontologiques pour les confier à des ordres, que vous avez créés. Il aurait été pourtant plus logique de poursuivre le travail de montée en puissance de ce Haut conseil et de lui confier des missions déontologiques.
La gouvernance initiale a été considérée unanimement, je crois, comme préoccupante et problématique. Or une équipe nouvelle est aujourd’hui en place, dont tout le monde reconnaît qu’elle travaille mieux, et qu’elle contribue à apaiser les choses. Cela ne signifie pas pour autant que l’ordre soit accepté par les infirmiers : le taux de participation aux élections le montre. Et la contestation est particulièrement forte chez les infirmières salariées. Pour autant, peut-on se passer d’un cadre de régulation déontologique et institutionnel ? Je ne le crois pas, car nous avons besoin de structures qui permettent de réguler et d’accompagner la profession.
Je tiens à saluer Mme Annie Le Houerou pour le travail tout à fait remarquable qu’elle a accompli pendant les mois, et mêmes les années qui se sont écoulées. Elle a reçu tout le monde, discuté, dialogué et fait des propositions.
Ce cadre constitutionnel, nous en avons besoin. Et nous en avons d’autant plus besoin que nous nous engageons dans le virage ambulatoire.
Des efforts sont à réaliser du côté des ordres – je tiens à le dire clairement. Le Gouvernement souhaite que les ordres soient très attentifs au montant des cotisations qui sont demandées, et qui ont parfois tendance à augmenter de manière trop importante. Le Gouvernement souhaiterait également que l’on se dirige vers une mutualisation des efforts et du travail effectué au sein des ordres paramédicaux. Des évolutions sont nécessaires, on le voit, mais peut-on se passer d’un cadre institutionnel, avant que ces évolutions aient été réalisées ? Le Gouvernement ne le pense pas, et c’est la raison pour laquelle, tout en entendant vos préoccupations, il donne un avis défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.
M. Élie Aboud. Nous avons eu peur, à un certain moment, et je vous remercie, madame la ministre, car votre réponse nous satisfait.
À l’heure, ma chère collègue, où il importe de maintenir les patients à domicile et de créer des passerelles entre l’hospitalisation publique, l’hospitalisation privée et la médecine de ville, nous avons besoin de développer l’hospitalisation à domicile, et il faut pour cela un cadre institutionnel. Même si le cadre existant présente des dysfonctionnements, il faut un cadre institutionnel, afin que cette profession soit reconnue. Il faut sans doute que les acteurs concernés se mettent autour d’une table, mais on ne peut pas, au détour d’un amendement, décider de faire une croix sur l’ordre et le faire disparaître. C’est envoyer un mauvais signal à la profession.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M. Jean-Pierre Door. Il est vrai que l’ordre des infirmiers a connu des difficultés…
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est peu de le dire !
M. Jean-Pierre Door. Des rapports ont été publiés sur ce sujet, de nombreux débats et de nombreuses auditions ont eu lieu ici, à l’Assemblée nationale. Mme la ministre a rappelé que des efforts sont faits par la nouvelle gouvernance et que les esprits semblent se calmer. Tant mieux. Il faut effectivement que cette profession, comme toutes les professions où l’on est au contact des malades, possède un cadre institutionnel et déontologique. Il faut qu’il y ait une barrière, qui permette de protéger à la fois le patient et le professionnel de santé.
M. Jean-Pierre Door. Je voudrais simplement dire un mot à Mme Le Houerou. Je sais le travail d’audition fou qu’elle a fait, mais si l’on en arrive à supprimer un ordre, la jurisprudence sera telle que le château de cartes va s’effondrer et tous les ordres vont disparaître. La suppression des ordres est une vieille lune socialiste du temps des cent dix propositions du programme Mitterrand, mais cela ne s’est pas fait à l’époque. Vous êtes à nouveau en majorité, mais vous ne le faites pas non plus, et Mme la ministre a dit qu’elle tenait à conserver la situation de cet ordre en espérant qu’il continue de s’améliorer, comme tous les autres ordres. Nous ne suivons donc pas la démarche de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Mme Jacqueline Fraysse. J’ai entendu les arguments de la ministre et je les comprends. En même temps, je voudrais rappeler que je siégeais déjà dans cette assemblée lorsque l’ordre des infirmiers a été mis en place par la droite. À l’époque, je m’y étais opposé car je pensais que c’était une mauvaise idée. C’est une idée qui divise, vous l’avez dit, elle divisait à l’époque et elle divise encore aujourd’hui. Ce qui divise, encore aujourd’hui, c’est bien la décision de création de l’ordre. Je considère donc que l’amendement présenté par notre collègue est légitime. Je crois que tout a montré que ça ne fonctionne pas, il y a un très faible pourcentage de participation aux élections, et c’est une institution qui divise.
Mme Jacqueline Fraysse. Il existe des structures qui permettent de gérer la profession, cela a été rappelé par Mme la ministre, je pense que l’on peut trouver d’autres solutions. Par conséquent, je suis plutôt favorable à cet amendement. Je crois que c’est une proposition courageuse, et je la soutiens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.
M. Jean-Louis Roumegas. Il y aurait beaucoup à dire sur les ordres en général, institutions nées dans une période trouble dont le fonctionnement laisse parfois à désirer. Mais j’en resterai à la question de l’ordre des infirmiers, puisque c’est celui qui nous a été présenté.
M. Jean-Louis Roumegas. Je voudrai dire à nos collègues de l’opposition qu’apparemment, lorsqu’ils ont créé cet ordre, ils n’ont pas du beaucoup consulter, alors même que c’est le reproche qu’ils adressent à l’amendement de Mme Le Houerou. S’ils avaient consulté à l’époque, ils se seraient rendu compte qu’une immense majorité des infirmiers n’en voulaient pas.
Mme Jacqueline Fraysse. Ils le savaient !
M. Jean-Louis Roumegas. C’est d’ailleurs ce que les faits ont prouvé, puisque seule une infime minorité a adhéré à cet ordre. On laisse donc une grande majorité des infirmiers dans une situation d’illégalité. Ce n’est pas tenable, on le voit bien au nombre de messages et de pétitions que l’on reçoit sur cette question depuis le début de notre mandat.
M. Jean-Louis Roumegas. Je pense donc qu’il faut trancher. Je ne crois pas à la théorie du château de cartes, elle serait vraie si la majorité des infirmiers était représentée dans l’ordre des infirmiers, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je félicite donc notre collègue pour cet amendement, et le groupe écologiste le soutiendra.
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Jean-Pierre Door et la ministre ont bien dit les choses, nul ne conteste les conditions difficiles dans lesquelles cet ordre des infirmiers a été mis en place, cela a été répété sur tous ces bancs.
M. Philippe Vigier. Mais la théorie du château de cartes n’est pas qu’une vision de l’esprit, d’ailleurs, sur les bancs du groupe socialiste, François Mitterrand avait imaginé dans ses cent une propositions la suppression de tous les ordres. Comme cela a très bien été dit par Jean-Pierre Door, pourquoi n’y aurait-il pas demain contestation d’autres ordres qui existent dans le milieu médical ou les professions juridiques ? Je regarde Denys Robiliard en disant cela, cette mesure risque de faire tache d’huile.
M. Philippe Vigier. Une des raisons pour lesquelles il y avait eu beaucoup de crispations lors de la création de l’ordre infirmier, était qu’il fallait payer une cotisation pour les infirmières, dont 80 % sont en milieu hospitalier.
M. Philippe Vigier. Mais ce qui me semble essentiel, c’est que l’ordre intervient dans la relation entre le patient et les professionnels de santé. L’ordre est là pour cela, et je ne voudrai pas que l’on laisse entre les mains des tribunaux civils la responsabilité de juger d’une situation ressentie par le patient comme un dysfonctionnement de la part d’un professionnel de santé, sans même qu’une instance ordinale intermédiaire ait la possibilité de juger si les bonnes pratiques médicales ont été suivies. D’autant plus que le rôle très important donné aux infirmiers dans le maillage du territoire va grandissant avec le développement de l’hospitalisation à domicile.
M. Philippe Vigier. Enfin, il a été avancé parmi les arguments que les élections ordinales réunissaient seulement un peu plus de 20 % des votants, Mme la ministre l’a dit tout à l’heure. Dans ce cas, supprimons également les prud’hommes, car il n’y a que 20 % de votants. Si l’on va dans cette voie, que doit-on penser de la représentativité des syndicats dont certains représentent moins de 20 % des votants ? S’ils ne représentent personne, autant les supprimer ! Nous ferions passer un mauvais signal, alors que notre pays a besoin des corps intermédiaires, notamment de représentation professionnelle, et les ordres en font partie.
M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Contrairement à ce que disent MM. Vigier et Door, qui ont évoqué le président Mitterrand, nous n’abordons pas ce sujet le moins du monde d’un point de vue idéologique. Simplement, nous posons une question pratique : est-ce que cet ordre répond aux attentes que l’on est en droit d’avoir de ce type de structures ?
M. Élie Aboud. On peut l’améliorer !
Mme Michèle Delaunay. Sa représentation est-elle forte ? Entraîne-t-il une adhésion importante de la part de la majorité des infirmiers, ou au contraire introduit-il une différence – presque une séparation – entre d’un côté des infirmiers salariés et de l’autre des infirmiers libéraux ?
Mme Michèle Delaunay. Je dois vous dire que je reçois bien souvent du personnel soignant ou des équipes médicales, et malgré les efforts qui ont été faits au sein même de cet ordre, la vision que j’ai régulièrement reçue de cet ordre est tout à fait contraire. Il ne valorise pas la magnifique profession des infirmiers, il ne règle pas les problèmes internes ni même les problèmes relatifs aux patients et à la déontologie. Donc, personnellement, de manière pragmatique et concrète, je voterai en faveur de l’amendement de notre collègue Le Houerou.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rapidement, je voudrai rappeler à M. Vigier la différence entre un ordre et un syndicat : l’adhésion à un syndicat est facultative, tandis qu’elle est obligatoire pour un ordre. Donc son raisonnement tombe de lui-même, il n’est pas recevable.
M. Philippe Vigier. Je parlais du taux de représentativité !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Me concernant, je voterai pour l’amendement de Mme Le Houerou.
M. le président. Sur l’amendement no 517, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
………………………………………………………………………………….
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 517
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l’adoption 19
contre 10
(L’amendement no 517 est adopté et l’amendement no 518 tombe.)
M. Élie Aboud. Vous allez voir dans la rue, vous allez passer un long week-end !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 519 et 520, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour les soutenir.
Mme Annie Le Houerou. Ils sont tous deux retirés, monsieur le président.
(Les amendements nos 519 et 520 sont retirés.)