http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0209.asp
PROPOSITION DE LOI
tendant à supprimer l’obligation, pour les infirmiers,
les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues,
de s’inscrire aux ordres professionnels,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-Marie LE GUEN,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nés de la volonté d’imposer une organisation unique des professions de santé, des ordres nationaux obligatoires ont été créés en 2004 pour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, puis en 2006 pour les infirmiers. Ces professionnels rejoignaient ainsi les médecins, les chirurgiens-dentistes, et les sages-femmes dont l’organisation corporatiste fut instaurée par l’ordonnance du 24 septembre 1945. L’adhésion à ces ordres professionnels, qui disposent chacun de conseils départementaux et régionaux en sus de leur conseil national respectif, est obligatoire pour tous les praticiens, indépendamment de leur mode d’exercice, qu’ils soient libéraux, salariés ou mixtes.
Ainsi, l’article 108 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, parue au JORF le 11 août 2004, et avec un rectificatif publié au JORF le 12 août 2004, a porté création de l’ordre professionnel des masseurs-kinésithérapeutes. L’article 110 de ladite loi a porté création de l’ordre professionnel des pédicures-podologues. La loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006, parue au JORF n° 299 le 27 décembre 2006, a créé un ordre national des infirmiers, sur une proposition de loi déposée par M. Richard Mallié, député UMP, et plusieurs de ses collègues.
Les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues ont donc connu une création relativement récente de leur ordre professionnel. Ces créations se sont généralement déroulées dans un climat contestataire. Cela fut encore plus vrai en 2006. La très grande majorité des infirmiers, près de 80 %, y était, en effet, farouchement opposée. Ces derniers ne s’opposaient pas seulement à la création d’une structure ordinale mais surtout à l’obligation d’adhésion à celle-ci. À l’époque, les discussions avec les représentants et syndicats des infirmiers, tout comme les débats dans l’hémicycle, illustraient d’ailleurs très bien cet environnement réfractaire.
Nonobstant les recommandations formulées par la mission de concertation et de médiation concernant le projet de création d’un ordre infirmier, dirigée par M. Édouard Couty, qui, faisant le constat d’une vive opposition des représentants des infirmiers, visait à adopter une position médiane en créant un Conseil de la profession infirmière ; le ministre de la santé de l’époque, M. Xavier Bertrand, avait maintenu sa volonté de créer l’ordre des infirmiers et de maintenir une obligation d’adhésion, entendue comme condition préalable à la licéité de l’exercice professionnel.
Cette obstination du précédent ministre a d’ailleurs été sanctionnée en 2008 par une abstention massive des infirmiers lors des élections pour l’ordre national. Ce sont en effet près de 87 % des infirmiers qui ont refusé de voter. Six ans plus tard, force est de constater que la reconnaissance de l’ordre ne s’est pas améliorée et que la négation de celui-ci domine encore largement au sein de la profession. C’est ainsi qu’au 12 mars 2012, seulement 113 381 infirmiers, sur les 552 908 exerçant la profession, étaient inscrits au tableau de l’ordre des infirmiers, soit une proportion de seulement 20 %. Si la contestation est surtout présente chez ces professionnels de santé, les cas de négation d’une structure ordinale existent aussi pour d’autres. Les masseurs-kinésithérapeutes comptent encore, en 2012, 5 200 professionnels, sur un total de 72 870, refusant toujours de s’inscrire à leur ordre par le non-acquittement délibéré de la cotisation obligatoire.
Ce manque d’assentiment de la part des professionnels de santé cristallise un état d’esprit plus général de remise en question des missions des ordres professionnels de santé dans notre pays. Dans le contexte actuel d’évolution de la démographie et des pratiques médicales, les missions confiées aux ordres seront nécessairement appelées à évoluer. Aussi cette évolution devra à l’avenir s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus globale dépassant largement celui de cette proposition de loi.
L’objet de cette proposition de loi est de supprimer le caractère obligatoire de l’adhésion aux ordres professionnels afin de la rendre uniquement facultative pour les professionnels exerçant aussi bien une activité libérale stricte, une activité libérale et salariée, ou une activité salariée. Dès lors cette proposition de loi ne vise pas à abolir les structures ordinales de notre système de santé, mais tend plutôt à supprimer, pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues l’obligation d’adhésion à l’ordre, marquée par l’acquittement d’une cotisation imposée, pour pouvoir exercer légalement la profession visée.
En conséquence, le caractère obligatoire de l’inscription des professionnels au tableau de l’ordre est appelé à disparaître ainsi que le droit d’accès par les instances ordinales aux listes nominatives des professionnels employés par les structures publiques et privées en vue des inscriptions automatiques.
Les professions de santé concernées étant expressément visées par la présente proposition de loi, cette dernière ne s’applique pas aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux pharmaciens. Ni les structures ordinales, ni l’obligation d’adhésion ne sont remises en cause pour ces trois professions de santé.
Nous considérons que seule la détention d’un diplôme d’État, venant sanctionner une formation initiale, conditionne le droit à l’exercice libéral, mixte, ou salarié des professions concernées par cette proposition de loi.
Plusieurs raisons, tenant principalement à la logique juridique, nous conduisent à considérer que l’adhésion à une structure ordinale ne peut demeurer le préalable obligatoire à l’exercice de la profession d’infirmière, de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue.
Actuellement, les dispositions législatives du code de la santé publique relatives aux professionnels de santé soumis à une structure ordinale prévoient que seuls peuvent exercer légalement leur métier les professionnels inscrits au tableau de l’ordre. Or l’imposition d’une structure ordinale pour certaines professions ne correspond désormais plus à la réalité de notre système de santé qui se caractérise par une multiplicité des techniques modernes et des savoir-faire. Les ergothérapeutes, les orthoptistes ou encore les psychomotriciens, exercent tous les jours leurs compétences à raison uniquement de leur diplôme, sans qu’aucune voix ne s’élève pour contester la légalité de leur exercice professionnel.
De surcroît, l’obligation de reconnaissance mutuelle des diplômes entre les États membres de l’Union européenne qui s’impose à la France en vertu de l’intégration et de la primauté des règles communautaires dans l’ordre juridique interne, interroge d’avantage la pertinence du maintien de cette adhésion obligatoire à un ordre professionnel.
L’une des missions dévolues aujourd’hui aux ordres est l’élaboration d’un code de déontologie et de règles de bonnes pratiques spécifiques à telle ou telle profession. Si cet argument est souvent utilisé pour défendre l’obligation d’adhésion aux structures ordinales, il mérite cependant d’être contesté. Les codes de déontologie élaborés par les ordres sont tous adoptés (excepté celui régissant l’exercice de la profession d’infirmier qui est en cours) sous la forme d’un décret pris en Conseil d’État. Les règles spécifiques de déontologie ainsi contenues dans le décret, se trouvent disposées dans la partie règlementaire du code de santé publique et ne s’imposent, au sens de chaque décret, qu’aux professionnels de santé reconnus comme exerçant légalement leur activité, soit après leur adhésion à l’ordre et leur inscription au tableau de celui-ci.
Dès lors, suite à la suppression de l’obligation d’adhésion disposée dans la partie législative du code de santé publique, une modification par décret en Conseil d’État de la partie réglementaire dudit code permettrait de rendre opposable chaque corpus de règles déontologiques à tous les professionnels exerçant leur activité à raison uniquement de leur diplôme. Chaque professionnel, adhérent ou non à un ordre, se verrait in fine contraint par l’application desdites règles.
La seconde mission dévolue aux ordres professionnels est la résolution des litiges grâce à une compétence de conciliation et juridictionnelle spéciale. À l’heure actuelle, les litiges survenant entre les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes ou les pédicures-podologues et les usagers, ainsi que ceux survenant entre professionnels de santé, doivent être portés devant l’instance départementale de l’ordre en vue d’une conciliation. En cas de désaccord, une voie de recours est possible devant une chambre disciplinaire de 1ère instance, au niveau interrégional, dont la décision peut faire l’objet d’un appel devant la chambre disciplinaire nationale. C’est le Conseil d’État qui est ensuite compétent pour connaître des recours en cassation.
Ce rôle de conciliation et juridictionnel peut a priori s’avérer satisfaisant. Mais force est de relever que le nombre annuel de litiges propres à chaque ordre et portés devant les différents niveaux d’instance s’avère très faible. À titre d’exemple, en 2010 au sein de l’ordre des pédicures-podologues, 45 litiges ont été portés devant les chambres disciplinaires de 1ère instance et seulement 8 appels ont été interjetés devant la chambre disciplinaire nationale. De tels chiffres laissent à penser qu’il est tout à fait possible de transférer le règlement des différends vers le contentieux de droit commun, soit devant le Tribunal administratif, sans qu’un tel transfert ne participe de l’encombrement des juridictions administratives.
Le rôle des ordres dans le recensement et le suivi de la démographie de chaque profession est également invoqué pour maintenir l’obligation d’adhésion à une structure ordinale. L’inscription obligatoire au tableau de l’ordre gagerait ainsi la fiabilité des statistiques. Or les ordres professionnels n’assurent pas seuls cette mission d’enregistrement des professionnels de santé. En effet, chaque année la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) élabore un rapport statistique sur la démographie et la situation des professions de santé à partir du répertoire ADELI, et bientôt RPPS. Même avec une adhésion à un ordre rendue facultative, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, seront toujours tenus, à l’instar des autres professions de santé, à une obligation d’inscription sur l’un ou l’autre de ces répertoires. Les directions nationales et régionales des affaires sanitaires et sociales pourront dès lors poursuivre leur travail annuel de recensement des professions de santé.
L’article 1er de la présente proposition de loi concerne les infirmiers. Le I-1 et le II visent à supprimer l’obligation d’adhésion à l’ordre pour tous les infirmiers, indépendamment de leur mode d’exercice, et à la rendre libre et volontaire. Le I-2 et le I-3 tendent à supprimer le droit d’accès aux listes nominatives des infirmiers enregistrés auprès des organismes compétents, et de fait de supprimer l’inscription automatique des infirmiers au tableau de l’ordre. Seule l’obligation d’enregistrement (sans frais) auprès de l’autorité compétente est maintenue pour tous, ce qui était déjà le cas auparavant. Le III est relatif à la suppression du signalement obligatoire des litiges devant le conseil régional de l’ordre, puisque la justice administrative est compétente pour statuer sur les contentieux.
L’article 2 tend à supprimer cette même obligation d’adhésion pour les masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que l’accès de l’ordre aux listes nominatives des professionnels enregistrés auprès des organismes compétents et l’inscription automatique au tableau de l’ordre. En outre, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités d’application du présent article.
L’article 3 vise à supprimer cette même obligation d’adhésion pour les pédicures-podologues, et de même à supprimer l’accès de l’ordre aux listes nominatives des professionnels enregistrés auprès des organismes compétents ainsi que l’inscription automatique au tableau de l’ordre. En outre, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités d’application du présent article.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les sixième, huitième, et neuvième alinéas de l’article L. 4311-15 sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 4312-1, les mots : « obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l’exception de ceux régis par le statut général des militaires. », sont remplacés par les mots : « tous les infirmiers habilités à exercer en France ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 4312-5 est supprimé.
Article 2
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 4321-10 :
a) La première phrase du huitième alinéa est supprimée ;
b) Les neuvième et dixième alinéas sont supprimés.
2° À l’article L. 4321-13, les mots : « obligatoirement tous les masseurs-kinésithérapeutes habilités à exercer leur profession en France, à l’exception des masseurs-kinésithérapeutes relevant du service de santé des armées. », sont remplacés par les mots : « tous les masseurs-kinésithérapeutes ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. ».
II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
Article 3
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 4322-2 :
a) À la première phrase du sixième alinéa, les mots : « et s’il n’est inscrit au tableau tenu par l’ordre » sont supprimés ;
b) La deuxième phrase du sixième alinéa est supprimée ;
c) Les septième et huitième alinéas sont supprimés.
2° À l’article L. 4322-6 du code de la santé publique, les mots : « obligatoirement tous les pédicures-podologues habilités à exercer leur profession en France, à l’exception des pédicures-podologues relevant du service de santé des armées. », sont remplacés par les mots : « tous les pédicures-podologues ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. ».
II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
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© Assemblée nationale
PROPOSITION DE LOI
tendant à supprimer l’obligation, pour les infirmiers,
les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues,
de s’inscrire aux ordres professionnels,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-Marie LE GUEN,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Nés de la volonté d’imposer une organisation unique des professions de santé, des ordres nationaux obligatoires ont été créés en 2004 pour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, puis en 2006 pour les infirmiers. Ces professionnels rejoignaient ainsi les médecins, les chirurgiens-dentistes, et les sages-femmes dont l’organisation corporatiste fut instaurée par l’ordonnance du 24 septembre 1945. L’adhésion à ces ordres professionnels, qui disposent chacun de conseils départementaux et régionaux en sus de leur conseil national respectif, est obligatoire pour tous les praticiens, indépendamment de leur mode d’exercice, qu’ils soient libéraux, salariés ou mixtes.
Ainsi, l’article 108 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, parue au JORF le 11 août 2004, et avec un rectificatif publié au JORF le 12 août 2004, a porté création de l’ordre professionnel des masseurs-kinésithérapeutes. L’article 110 de ladite loi a porté création de l’ordre professionnel des pédicures-podologues. La loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006, parue au JORF n° 299 le 27 décembre 2006, a créé un ordre national des infirmiers, sur une proposition de loi déposée par M. Richard Mallié, député UMP, et plusieurs de ses collègues.
Les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues ont donc connu une création relativement récente de leur ordre professionnel. Ces créations se sont généralement déroulées dans un climat contestataire. Cela fut encore plus vrai en 2006. La très grande majorité des infirmiers, près de 80 %, y était, en effet, farouchement opposée. Ces derniers ne s’opposaient pas seulement à la création d’une structure ordinale mais surtout à l’obligation d’adhésion à celle-ci. À l’époque, les discussions avec les représentants et syndicats des infirmiers, tout comme les débats dans l’hémicycle, illustraient d’ailleurs très bien cet environnement réfractaire.
Nonobstant les recommandations formulées par la mission de concertation et de médiation concernant le projet de création d’un ordre infirmier, dirigée par M. Édouard Couty, qui, faisant le constat d’une vive opposition des représentants des infirmiers, visait à adopter une position médiane en créant un Conseil de la profession infirmière ; le ministre de la santé de l’époque, M. Xavier Bertrand, avait maintenu sa volonté de créer l’ordre des infirmiers et de maintenir une obligation d’adhésion, entendue comme condition préalable à la licéité de l’exercice professionnel.
Cette obstination du précédent ministre a d’ailleurs été sanctionnée en 2008 par une abstention massive des infirmiers lors des élections pour l’ordre national. Ce sont en effet près de 87 % des infirmiers qui ont refusé de voter. Six ans plus tard, force est de constater que la reconnaissance de l’ordre ne s’est pas améliorée et que la négation de celui-ci domine encore largement au sein de la profession. C’est ainsi qu’au 12 mars 2012, seulement 113 381 infirmiers, sur les 552 908 exerçant la profession, étaient inscrits au tableau de l’ordre des infirmiers, soit une proportion de seulement 20 %. Si la contestation est surtout présente chez ces professionnels de santé, les cas de négation d’une structure ordinale existent aussi pour d’autres. Les masseurs-kinésithérapeutes comptent encore, en 2012, 5 200 professionnels, sur un total de 72 870, refusant toujours de s’inscrire à leur ordre par le non-acquittement délibéré de la cotisation obligatoire.
Ce manque d’assentiment de la part des professionnels de santé cristallise un état d’esprit plus général de remise en question des missions des ordres professionnels de santé dans notre pays. Dans le contexte actuel d’évolution de la démographie et des pratiques médicales, les missions confiées aux ordres seront nécessairement appelées à évoluer. Aussi cette évolution devra à l’avenir s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus globale dépassant largement celui de cette proposition de loi.
L’objet de cette proposition de loi est de supprimer le caractère obligatoire de l’adhésion aux ordres professionnels afin de la rendre uniquement facultative pour les professionnels exerçant aussi bien une activité libérale stricte, une activité libérale et salariée, ou une activité salariée. Dès lors cette proposition de loi ne vise pas à abolir les structures ordinales de notre système de santé, mais tend plutôt à supprimer, pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues l’obligation d’adhésion à l’ordre, marquée par l’acquittement d’une cotisation imposée, pour pouvoir exercer légalement la profession visée.
En conséquence, le caractère obligatoire de l’inscription des professionnels au tableau de l’ordre est appelé à disparaître ainsi que le droit d’accès par les instances ordinales aux listes nominatives des professionnels employés par les structures publiques et privées en vue des inscriptions automatiques.
Les professions de santé concernées étant expressément visées par la présente proposition de loi, cette dernière ne s’applique pas aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux pharmaciens. Ni les structures ordinales, ni l’obligation d’adhésion ne sont remises en cause pour ces trois professions de santé.
Nous considérons que seule la détention d’un diplôme d’État, venant sanctionner une formation initiale, conditionne le droit à l’exercice libéral, mixte, ou salarié des professions concernées par cette proposition de loi.
Plusieurs raisons, tenant principalement à la logique juridique, nous conduisent à considérer que l’adhésion à une structure ordinale ne peut demeurer le préalable obligatoire à l’exercice de la profession d’infirmière, de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue.
Actuellement, les dispositions législatives du code de la santé publique relatives aux professionnels de santé soumis à une structure ordinale prévoient que seuls peuvent exercer légalement leur métier les professionnels inscrits au tableau de l’ordre. Or l’imposition d’une structure ordinale pour certaines professions ne correspond désormais plus à la réalité de notre système de santé qui se caractérise par une multiplicité des techniques modernes et des savoir-faire. Les ergothérapeutes, les orthoptistes ou encore les psychomotriciens, exercent tous les jours leurs compétences à raison uniquement de leur diplôme, sans qu’aucune voix ne s’élève pour contester la légalité de leur exercice professionnel.
De surcroît, l’obligation de reconnaissance mutuelle des diplômes entre les États membres de l’Union européenne qui s’impose à la France en vertu de l’intégration et de la primauté des règles communautaires dans l’ordre juridique interne, interroge d’avantage la pertinence du maintien de cette adhésion obligatoire à un ordre professionnel.
L’une des missions dévolues aujourd’hui aux ordres est l’élaboration d’un code de déontologie et de règles de bonnes pratiques spécifiques à telle ou telle profession. Si cet argument est souvent utilisé pour défendre l’obligation d’adhésion aux structures ordinales, il mérite cependant d’être contesté. Les codes de déontologie élaborés par les ordres sont tous adoptés (excepté celui régissant l’exercice de la profession d’infirmier qui est en cours) sous la forme d’un décret pris en Conseil d’État. Les règles spécifiques de déontologie ainsi contenues dans le décret, se trouvent disposées dans la partie règlementaire du code de santé publique et ne s’imposent, au sens de chaque décret, qu’aux professionnels de santé reconnus comme exerçant légalement leur activité, soit après leur adhésion à l’ordre et leur inscription au tableau de celui-ci.
Dès lors, suite à la suppression de l’obligation d’adhésion disposée dans la partie législative du code de santé publique, une modification par décret en Conseil d’État de la partie réglementaire dudit code permettrait de rendre opposable chaque corpus de règles déontologiques à tous les professionnels exerçant leur activité à raison uniquement de leur diplôme. Chaque professionnel, adhérent ou non à un ordre, se verrait in fine contraint par l’application desdites règles.
La seconde mission dévolue aux ordres professionnels est la résolution des litiges grâce à une compétence de conciliation et juridictionnelle spéciale. À l’heure actuelle, les litiges survenant entre les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes ou les pédicures-podologues et les usagers, ainsi que ceux survenant entre professionnels de santé, doivent être portés devant l’instance départementale de l’ordre en vue d’une conciliation. En cas de désaccord, une voie de recours est possible devant une chambre disciplinaire de 1ère instance, au niveau interrégional, dont la décision peut faire l’objet d’un appel devant la chambre disciplinaire nationale. C’est le Conseil d’État qui est ensuite compétent pour connaître des recours en cassation.
Ce rôle de conciliation et juridictionnel peut a priori s’avérer satisfaisant. Mais force est de relever que le nombre annuel de litiges propres à chaque ordre et portés devant les différents niveaux d’instance s’avère très faible. À titre d’exemple, en 2010 au sein de l’ordre des pédicures-podologues, 45 litiges ont été portés devant les chambres disciplinaires de 1ère instance et seulement 8 appels ont été interjetés devant la chambre disciplinaire nationale. De tels chiffres laissent à penser qu’il est tout à fait possible de transférer le règlement des différends vers le contentieux de droit commun, soit devant le Tribunal administratif, sans qu’un tel transfert ne participe de l’encombrement des juridictions administratives.
Le rôle des ordres dans le recensement et le suivi de la démographie de chaque profession est également invoqué pour maintenir l’obligation d’adhésion à une structure ordinale. L’inscription obligatoire au tableau de l’ordre gagerait ainsi la fiabilité des statistiques. Or les ordres professionnels n’assurent pas seuls cette mission d’enregistrement des professionnels de santé. En effet, chaque année la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) élabore un rapport statistique sur la démographie et la situation des professions de santé à partir du répertoire ADELI, et bientôt RPPS. Même avec une adhésion à un ordre rendue facultative, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, seront toujours tenus, à l’instar des autres professions de santé, à une obligation d’inscription sur l’un ou l’autre de ces répertoires. Les directions nationales et régionales des affaires sanitaires et sociales pourront dès lors poursuivre leur travail annuel de recensement des professions de santé.
L’article 1er de la présente proposition de loi concerne les infirmiers. Le I-1 et le II visent à supprimer l’obligation d’adhésion à l’ordre pour tous les infirmiers, indépendamment de leur mode d’exercice, et à la rendre libre et volontaire. Le I-2 et le I-3 tendent à supprimer le droit d’accès aux listes nominatives des infirmiers enregistrés auprès des organismes compétents, et de fait de supprimer l’inscription automatique des infirmiers au tableau de l’ordre. Seule l’obligation d’enregistrement (sans frais) auprès de l’autorité compétente est maintenue pour tous, ce qui était déjà le cas auparavant. Le III est relatif à la suppression du signalement obligatoire des litiges devant le conseil régional de l’ordre, puisque la justice administrative est compétente pour statuer sur les contentieux.
L’article 2 tend à supprimer cette même obligation d’adhésion pour les masseurs-kinésithérapeutes, ainsi que l’accès de l’ordre aux listes nominatives des professionnels enregistrés auprès des organismes compétents et l’inscription automatique au tableau de l’ordre. En outre, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités d’application du présent article.
L’article 3 vise à supprimer cette même obligation d’adhésion pour les pédicures-podologues, et de même à supprimer l’accès de l’ordre aux listes nominatives des professionnels enregistrés auprès des organismes compétents ainsi que l’inscription automatique au tableau de l’ordre. En outre, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités d’application du présent article.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les sixième, huitième, et neuvième alinéas de l’article L. 4311-15 sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 4312-1, les mots : « obligatoirement tous les infirmiers habilités à exercer leur profession en France, à l’exception de ceux régis par le statut général des militaires. », sont remplacés par les mots : « tous les infirmiers habilités à exercer en France ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 4312-5 est supprimé.
Article 2
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 4321-10 :
a) La première phrase du huitième alinéa est supprimée ;
b) Les neuvième et dixième alinéas sont supprimés.
2° À l’article L. 4321-13, les mots : « obligatoirement tous les masseurs-kinésithérapeutes habilités à exercer leur profession en France, à l’exception des masseurs-kinésithérapeutes relevant du service de santé des armées. », sont remplacés par les mots : « tous les masseurs-kinésithérapeutes ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. ».
II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.
Article 3
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 4322-2 :
a) À la première phrase du sixième alinéa, les mots : « et s’il n’est inscrit au tableau tenu par l’ordre » sont supprimés ;
b) La deuxième phrase du sixième alinéa est supprimée ;
c) Les septième et huitième alinéas sont supprimés.
2° À l’article L. 4322-6 du code de la santé publique, les mots : « obligatoirement tous les pédicures-podologues habilités à exercer leur profession en France, à l’exception des pédicures-podologues relevant du service de santé des armées. », sont remplacés par les mots : « tous les pédicures-podologues ayant librement et volontairement adhéré audit ordre. ».
II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
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