http://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2015/03/06/la-violence-faite-aux-infirmier(e)s
LA VIOLENCE FAITE AUX INFIRMIER(E)S
Les infirmiers libéraux victimes de violence ne portent pas plainte, ou rarement. Leur Ordre souhaite y remédier
Pour les autorités, c’est un épiphénomène. » Pour les infirmiers libéraux, et en particulier les infirmières, c’est une réalité : la violence dont ils sont victimes dans l’exercice de leur métier.
« D’après le procureur de la République, ça ne concernerait qu’une dizaine de plaintes sur les 40.000 qu’il doit traiter par an », rapporte Pascal Dégremont, référent violence au sein de l’ordre départemental des infirmiers de Meurthe-et-Moselle. « Et c’est là tout le problème : nos collègues victimes de violence ne pensent même pas, la plupart du temps, à porter plainte. De par la nature même de leur profession, ils et surtout elles (n’oublions pas que le métier est féminisé à 90 %), sont toujours prêts à excuser le patient. Et mettent l’incident dans leur poche avec un mouchoir dessus. »
Cette « indulgence », il est prêt à la comprendre dans le cas d’un malade atteint d’un trouble psychiatrique («c’est la pathologie qui veut ça»), et à la limite aux urgences (« tous les problèmes de la société y convergent »), mais de là à laisser le quotidien lentement s’oxyder, il n’y voit aucune raison acceptable. « Nous, ce qu’on veut, c’est sensibiliser les professionnelles avant que ça tourne au drame. On a quand même eu cet été une collègue assassinée à Strasbourg par un patient jaloux, une autre qui s’est fait agresser à Toul il y a quelques années, une autre à Champ-le-Bœuf, etc. Des cas graves, tragiques parfois, et nous, on l’apprend par voie de presse ! »
Pour être juste, l’ordre, constitué lui-même d’infirmiers, entend déjà certains faits remonter jusqu’à lui, mais souhaiterait avoir une vue d’ensemble plus large et précise. Jusqu’à convertir le tout en statistiques.
L’insulte est un délit
Ce qu’on sait déjà de façon empirique : la violence faite aux infirmiers peut prendre différentes formes, avoir diverses causes. « Le fait de passer toujours au même endroit dans nos tournées par exemple nous expose plus souvent au braquage de la voiture. Et puis certains patients, accablés par la maladie, dont nous sommes le symbole à leurs yeux, retournent leur mal-être et leur agressivité contre nous. Il faut aussi prendre en compte éventuellement celle de l’entourage. Enfin, ne nous leurrons pas, il y a tout un fantasme qui se cristallise autour du personnage de l’infirmière et qui l’expose plus encore que la plupart des autres professions. » Alors même que la simple insulte peut-être considérée comme un délit, puisqu’elle vise un(e) professionnel(le) de santé exerçant une profession de service public. Un « détail » que l’ordre tient également à rappeler.
Discrimination
Une fois la réalité des chiffres devenue tangible, personne ne prétend attribuer un garde du corps à chaque soignant. « En revanche, on peut espérer que les autorités appréhendent enfin le problème, et qu’on puisse mettre en place ne serait-ce que des mesures de prévention. Sans quoi, c’est un autre danger qui guette : celui de la rupture de l’égalité des soins à tous… » Pascal Dégremont redoute en effet qu’insidieusement, les infirmier(e)s se sentant exposé(e)s renoncent par exemple à exercer dans certains quartiers perçus comme sensibles. C’est déjà un fait, même s’il n’est pas officiel. « Si bien que l’insécurité des professionnels finit par entraîner, indirectement, l’insécurité des patients. » Ce qui ne relève alors plus du tout de l’épiphénomène, mais bel et bien de ce qu’on appelle un phénomène de société.
Lysiane GANOUSSE
LA VIOLENCE FAITE AUX INFIRMIER(E)S
Les infirmiers libéraux victimes de violence ne portent pas plainte, ou rarement. Leur Ordre souhaite y remédier
Pour les autorités, c’est un épiphénomène. » Pour les infirmiers libéraux, et en particulier les infirmières, c’est une réalité : la violence dont ils sont victimes dans l’exercice de leur métier.
« D’après le procureur de la République, ça ne concernerait qu’une dizaine de plaintes sur les 40.000 qu’il doit traiter par an », rapporte Pascal Dégremont, référent violence au sein de l’ordre départemental des infirmiers de Meurthe-et-Moselle. « Et c’est là tout le problème : nos collègues victimes de violence ne pensent même pas, la plupart du temps, à porter plainte. De par la nature même de leur profession, ils et surtout elles (n’oublions pas que le métier est féminisé à 90 %), sont toujours prêts à excuser le patient. Et mettent l’incident dans leur poche avec un mouchoir dessus. »
Cette « indulgence », il est prêt à la comprendre dans le cas d’un malade atteint d’un trouble psychiatrique («c’est la pathologie qui veut ça»), et à la limite aux urgences (« tous les problèmes de la société y convergent »), mais de là à laisser le quotidien lentement s’oxyder, il n’y voit aucune raison acceptable. « Nous, ce qu’on veut, c’est sensibiliser les professionnelles avant que ça tourne au drame. On a quand même eu cet été une collègue assassinée à Strasbourg par un patient jaloux, une autre qui s’est fait agresser à Toul il y a quelques années, une autre à Champ-le-Bœuf, etc. Des cas graves, tragiques parfois, et nous, on l’apprend par voie de presse ! »
Pour être juste, l’ordre, constitué lui-même d’infirmiers, entend déjà certains faits remonter jusqu’à lui, mais souhaiterait avoir une vue d’ensemble plus large et précise. Jusqu’à convertir le tout en statistiques.
L’insulte est un délit
Ce qu’on sait déjà de façon empirique : la violence faite aux infirmiers peut prendre différentes formes, avoir diverses causes. « Le fait de passer toujours au même endroit dans nos tournées par exemple nous expose plus souvent au braquage de la voiture. Et puis certains patients, accablés par la maladie, dont nous sommes le symbole à leurs yeux, retournent leur mal-être et leur agressivité contre nous. Il faut aussi prendre en compte éventuellement celle de l’entourage. Enfin, ne nous leurrons pas, il y a tout un fantasme qui se cristallise autour du personnage de l’infirmière et qui l’expose plus encore que la plupart des autres professions. » Alors même que la simple insulte peut-être considérée comme un délit, puisqu’elle vise un(e) professionnel(le) de santé exerçant une profession de service public. Un « détail » que l’ordre tient également à rappeler.
Discrimination
Une fois la réalité des chiffres devenue tangible, personne ne prétend attribuer un garde du corps à chaque soignant. « En revanche, on peut espérer que les autorités appréhendent enfin le problème, et qu’on puisse mettre en place ne serait-ce que des mesures de prévention. Sans quoi, c’est un autre danger qui guette : celui de la rupture de l’égalité des soins à tous… » Pascal Dégremont redoute en effet qu’insidieusement, les infirmier(e)s se sentant exposé(e)s renoncent par exemple à exercer dans certains quartiers perçus comme sensibles. C’est déjà un fait, même s’il n’est pas officiel. « Si bien que l’insécurité des professionnels finit par entraîner, indirectement, l’insécurité des patients. » Ce qui ne relève alors plus du tout de l’épiphénomène, mais bel et bien de ce qu’on appelle un phénomène de société.
Lysiane GANOUSSE